Dans la basse vallée de la Loue, environ trois quarts des surfaces en zones humides ont disparu. Les travaux de redressement des rivières, principalement de la Loue, ainsi que les installations de drainage pour favoriser l’agriculture en sont les premières causes ; à celles-ci s’ajoute aussi désormais le réchauffement climatique. A Chissey-sur-Loue, une zone humide fait l’objet d’un plan de restauration et de gestion : la biodiversité végétale et animale, propre à ces milieux naturels, s’est depuis stabilisée.
Zone humide : de quoi parle-t-on ?
Selon le code de l’Environnement (Art. L. 211-1), les zones humides sont des « terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau […] de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année ». Tourbières, landes, marais, prairies et forêts humides… : d’une grande variété, ces milieux naturels se caractérisent essentiellement par la nature de leur sol (plus ou moins perméable), le climat (sec ou humide) ainsi que leur topographie (en pente, cuvette, etc.).
Ces terrains ont longtemps été synonymes de contraintes. Ils sont difficiles, voire impossibles, à cultiver ou à exploiter. Ils ont donc fait l’objet de travaux d’assèchement, lesquels ont contribué au recul drastique de ces zones pourtant essentielles à l’environnement.
En effet, les zones humides offrent de nombreux services :
Elles sont des réservoirs exceptionnels de biodiversité
Elles contribuent à la qualité de l’eau grâce à leur capacité de filtration et d’épuration
Elles participent à la préservation de la ressource en eau par leur capacité d’absorption et de stockage
Elles permettent de lutter contre les incendies, inondations, canicules, sécheresses, etc.
Dans le Val d’Amour aussi, le long de la Loue, les zones humides ont tendance à disparaitre, notamment du fait des travaux menés pour dompter le cours de la rivière. L’une d’elles, située à Chissey-sur-Loue, fait l’objet d’un plan de restauration et de gestion.
Les aménagements à Chissey-sur-Loue
Chissey-sur-Loue compte environ 63 hectares de zones humides répartis de part et d’autre de la rivière. Etant peu entretenues et le cours de la Loue n’évoluant plus, ces parcelles se transformaient progressivement en milieux forestiers et fermés, une modification synonyme de perte de biodiversité. Un tiers de cette surface, soit une vingtaine d’hectares, est la cible d’un plan de restauration et de gestion lancé en 2018. Son objectif : restaurer le fonctionnement hydraulique de la zone. Pour ce faire, différentes actions ont été menées :
Débroussaillage pour restaurer les prairies
Remise en eau partielle d’un ancien bras de la rivière
Lutte contre les espèces invasives : écorçage des érables négundo et fauchage de la renouée du Japon
Cette phase de restauration est suivie de travaux d’entretien régulier et d’opérations de suivi : fauches tardives, surveillances des espèces, lutte contre les espèces invasives… Et depuis cette année, ce sont des béliers qui assurent l’entretien de la zone (cf. p. x), une solution de gestion qui se montre à la fois économique et écologique.
Un abri où se maintiennent une faune et une flore spécifiques
Les zones humides servent de refuges à de nombreuses espèces animales et végétales. Grâce aux actions menées sur la zone humide de Chissey-sur-Loue, la faune et la flore propres à ces milieux naturels se sont maintenues. On peut ainsi observer des oiseaux emblématiques de la Loue tels que le guêpier d’Europe ou le martin-pêcheur d’Europe. Les pics sont eux aussi présents ainsi que la rousserole effarvatte, sorte de fauvette qui vit dans les roselières. Libellules, salamandres, grenouilles vertes et rousses habitent également les lieux.
Les inventaires menés sur la zone humide de Chissey-sur-Loue ont aussi révélé la présence d’aprons du Rhône, un petit poisson endémique du bassin du Rhône que l’on retrouve dans quelques cours d’eau de Franche-Comté. Côté flore, les espèces locales sont favorisées, comme le frêne et le saule. Et la bardane des bois ainsi que diverses variétés d’orchidées poussent à nouveau sur la zone.
Un sentier pédagogique pour valoriser la zone humide de Chissey-sur-Loue
Depuis 2022, un sentier pédagogique permet de se promener sur le site, de découvrir la zone humide de Chissey-sur-Loue et de faire connaissance avec les espèces qui la peuplent. Avant le pont sur la Loue, à gauche de la D93, un parking permet de stationner : une barrière interdit le passage des voitures, quads et autres véhicules à moteur.
Depuis 2022, un sentier pédagogique permet de se promener sur le site, de découvrir la zone humide de Chissey-sur-Loue et de faire connaissance avec les espèces qui la peuplent. Avant le pont sur la Loue, à gauche de la D93, un parking permet de stationner : une barrière interdit le passage des voitures, quads et autres véhicules à moteur.
Une boucle de 5 km environ longe en partie la Loue et, tout au long du circuit, des panneaux donnent des informations aux visiteurs sur la rivière et les poissons, les libellules, les oiseaux, les mammifères… Pour ne pas déranger les espèces et préserver les lieux, il est recommandé de ne pas quitter le sentier.
Nous avons valorisé des parcelles dont nous ne savions pas quoi faire
Jean-Claude Pichon, maire de Chissey-sur-Loue.
Comment le projet de restauration de la zone humide est-il né ?
Il faut savoir que, selon la réglementation du PLUi, quand on construit sur une zone humide, au centre d’un village par exemple, il est obligatoire de compenser au double, et ce, à l’échelle de l’intercommunalité. Au titre de cette compensation, la communauté de communes a choisi la zone humide de Chissey-sur-Loue et nous a présenté un projet de restauration.
Comment la communauté de communes du Val d’Amour est-elle intervenue ?
Lors d’un conseil municipal, Solène Carboni (responsable du service attractivité et développement du territoire, ndlr) a présenté, et surtout expliqué, le projet aux élus, un projet monté, financé et géré par la communauté de communes du Val d’Amour. Une fois le principe validé, la commune a mis à disposition de l’intercommunalité les terrains dont nous sommes propriétaires. A chaque étape du projet, nous avons été concertés, par exemple au moment de l’installation de la barrière à l’entrée du sentier pédagogique.
Ce projet a-t-il des répercussions positives sur la commune ?
Cela nous a permis de valoriser des parcelles en bord de Loue dont on ne savait pas quoi faire. C’est aussi l’occasion de faire découvrir la zone humide ainsi que Chissey-sur-Loue. D’autres sentiers de randonnée sont d’ailleurs accessibles et permettent par exemple de rejoindre Arc-et-Senans.
Des béliers pour entretenir « naturellement » les terrains
L’entretien de la zone humide de Chissey-sur-Loue consiste en des opérations de fauche réalisées deux fois par an. Mais les fauches étant tardives, la végétation est haute et dense, ce qui entrave les machines. Pour limiter l’intervention humaine et améliorer la gestion des pelouses, la communauté de communes a décidé de faire appel à une « herbassière », Eugénie Thillerot.
Habitante d’Ecleux, cette « éleveuse nomade » est à la tête d’un troupeau de 230 brebis et d’une demi-douzaine de béliers. Ces animaux sont élevés en plein air et nourris à l’herbe, et ce, toute l’année. A la manière des herbassiers, ces bergers sans terre du sud de la France, la jeune femme de 35 ans se doit de trouver des endroits propices où faire pâturer ces bêtes.
Tandis que les brebis paissent dans l’Ain, de juillet jusqu’à la fin octobre, 5 à 7 béliers sont en résidence à Chissey-sur-Loue. « Hors période de lutte (nom de l’accouplement du bélier avec la brebis, ndlr), les mâles n’ont pas de besoins importants d’un point de vue nutritif, explique Eugénie Thillerot. Ils ont tout ce qu’il leur faut ici. Pendant l’hiver, je les emmène ailleurs, notamment pour éviter les risques de crue de la Loue. » Les béliers passent alors la saison froide dans les vignes d’un exploitant jurassien.
Ce mode de gestion est un échange de bons procédés. Les bêtes fertilisent la terre et limitent l’embroussaillement qui risquerait de refermer les milieux naturels. L’éco-pâturage permet ainsi d’entretenir le paysage et de maintenir la biodiversité végétale et animale.
Eugénie Thillerot vend en direct des colis d’agneau : commande au 06 74 35 64 43 ou par mail à [email protected]. Plus d’infos : www.lesbrebisdegigie.fr.
